En Tunisie, à Kairouan et dans d’autres coins du pays, le ver est dans le fruit. La fréquence des violences contre les femmes renseigne autant sur la descente aux enfers d’une nation. La femme qui a récemment trouvé la mort après avoir été étranglée par son mari à Nasrallah, (Kairouan), Refka Cherni, mère de 26 ans, tuée par balles par son mari le 5 mai et la jeune mère violentée et balafrée par son ex-mari à Kairouan également : ce ne sont là que des crimes odieux racontant le chemin emprunté par la Tunisie nouvelle.
Dans un récent communiqué, le ministère de la Femme indique que « le numéro vert 1899 a reçu au cours du premier trimestre 2023, 921 cas de violence, dont 654 ont pour origine le mari».
Dans la même optique, le ministère fait remarquer que « la fréquence des cas de meurtres d’épouses par leurs maris à raison de plus d’un meurtre par mois est alarmant », tout en soulignant que 15 meurtres d’épouses ont été enregistrés pendant l’année 2022.
Fossé entre le droit et la pratique
Ces dérives successives, loin d’être des cas isolés comme le laissent entendre certains commentateurs, renseignent non seulement sur le dangereux ensablement de nombreux Tunisiens dans les luttes intestines, mais aussi sur la faiblesse de l’État.
Ces atrocités commises à répétition ces dernières années et cette sauvagerie qui ont atteint leur summum illustrent parfaitement le fossé entre le droit et la pratique. D’autant plus que la loi 58 relative à la violence contre les femmes est restée souvent lettre morte par des magistrats mal formés.
Ces barbaries de plus en plus fréquentes seraient l’aboutissement logique de politiques à peu près identiques, de la dernière décennie. Des politiques ressemblant à un camaïeu de gris, étant l’«œuvre» de ceux qui s’égarent en cherchant des explications à des événements chaotiques. Ils s’égarent quand ils ne versent pas dans la paranoïa.
Cette sauvagerie qui inquiète serait, de surcroît, le couronnement d’une misère sociale et politique régie par une synarchie financière et médiatique. C’est le résultat d’une politique qui vit au jour le jour.
La banalisation et l’impunité, ce duo qui tue…
A l’origine du mal, se conjuguent banalisation du mal et impunité des malfrats. À l’origine du mal, il y a aussi des médias qui matraquent en permanence des non-sujets et des Tunisiens faisant preuve d’un cynisme aveugle et irrationnel.
Cela fait des années que le théâtre d’ombres persiste. Cela fait des années que politique-spectacle et information-spectacle poursuivent leur absurde duo.
On a, à maintes reprises, tiré la sonnette d’alarme quant à une férocité allant crescendo. On a souvent répété, après Camus, que «toute vie dirigée vers l’argent est une mort ». On a souvent mis en garde contre l’obsolescence de l’homme dans ces contrées mal servies, contre une dangereuse corruption qui gangrène l’État.
Pourtant, on a eu droit au même spectacle, le même qui dure depuis longtemps : des serviteurs à la solde d’une oligarchie financière dont les coups bas pleuvaient et pleuvent partout. Ces mêmes acteurs occupant le devant de la scène tiraient et tirent encore gloriole de « réalisations » incomplètes pour ne pas dire illusoires.
Cela fait des décennies que l’école tunisienne n’éduque que médiocrement et ne forme que passablement. Cela fait des années que l’improvisation fait du surplace.
Résultat ? On a fini par s’installer au bord du précipice. Pourtant, l’on s’attache encore à des régimes qui réverbèrent la géographie des inégalités économiques, éducatives et culturelles.
L’heure du réveil n’a-t-elle pas encore sonné pour voir encore plus grand, pour enquêter sur ce qui se passe dans différents coins et recoins du pays… Dans les allées du pouvoir ?